Par Nayonika.
L’Inde est une nation en plein essor démographique. Pourtant, la contraception y est considérée comme une méthode permettant de contrôler plutôt que de planifier les naissances.
Jetons un coup d’œil à la contraception en Inde. Depuis les années 2000, les gens ont plus de choix en matière de méthodes contraceptives. Cependant, combien de personnes peuvent réellement exercer ces choix ? Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il existe quatre critères permettant de mesurer si les individus sont en mesure de réaliser leur droit à la santé : L’accessibilité, la disponibilité, l’acceptabilité et la qualité (AAAQ) des services et établissements de santé.
Bien que la stérilisation féminine ait été l’option la plus courante dans le passé, les femmes peuvent désormais opter pour des options réversibles et moins invasives sur le plan médical, telles que les pilules d’urgence, les stérilets, les pilules hormonales et les préservatifs féminins.
Pourtant, la stérilisation féminine reste encore aujourd’hui la méthode de contraception la plus courante chez les Indiennes. L’utilisation du préservatif féminin est négligeable car il est plus cher et plutôt indisponible. Abordables et facilement disponibles, les préservatifs masculins sont, en revanche, l’option la plus utilisée par les hommes indiens, tandis que les taux de stérilisation masculine ou de vasectomie sont négligeables. Pourquoi ce contraste existe-t-il ?
Nous avons accès à la plupart des contraceptifs qui nécessitent une supervision ou une intervention médicale par le biais de prestataires de soins de santé, allant des hôpitaux aux infirmières en passant par les travailleurs sociaux cliniques. Mais l’accessibilité dépend beaucoup de l’acceptabilité.
Qu’est-ce qui relève de l’accessibilité ? Quelque chose est accessible lorsqu’on peut se le permettre et qu’il se trouve à proximité. Mais l’accessibilité dépend également de la manière dont les prestataires se comportent avec leurs clients. Si la plupart des biens essentiels ne suscitent aucun jugement ni aucune humiliation, lorsqu’il s’agit de contraceptifs, les réactions varient en fonction du sexe et de l’état civil, car la contraception n’est toujours pas considérée comme un bien essentiel, bien qu’elle fasse partie des droits sexuels et reproductifs.
Le sexe avant le mariage ?
La plupart des agents de santé refusent souvent de fournir des contraceptifs aux personnes non mariées, en particulier aux adolescents.
En Inde, l’âge du consentement est de 18 ans, ce qui signifie que l’on considère que les personnes plus jeunes que cet âge ne peuvent pas consentir à avoir des rapports sexuels et, par conséquent, ne devraient pas s’informer sur les rapports sexuels protégés. En Inde, comme dans de nombreuses autres régions du monde, la contraception est considérée comme un moyen de réduire les naissances et non comme une méthode permettant d’avoir des rapports sexuels protégés ou de planifier la famille.
Le sexe étant souvent associé au mariage, l’idée que l’énorme population indienne non mariée puisse s’adonner à cet acte est rejetée. Là où il n’y a pas de reconnaissance, comment pourrait-il y avoir de l’action ?
Moralité du sexe et contraceptifs
La moralité attachée au terme « sexe » est d’ailleurs la raison pour laquelle les gens ne choisissent même pas d’en parler en public. Les accoucheuses sont souvent interrogées, jugées ou moquées si le prestataire pense qu’elles ne sont pas mariées.
Le statut marital d’une personne devient le facteur déterminant lorsqu’il s’agit d’accéder à des contraceptifs. Si elles sont mariées, les prestataires de soins de santé leur suggéreront souvent d’aller de l’avant et d’avoir des enfants pendant que leur corps est encore « mûr » et « fertile » et peut donner naissance. Si elles ne sont pas mariées, il est hors de question d’avoir des relations sexuelles.
L’état civil ne devient pertinent que dans le cas de la stérilisation et des interventions médicales, car il affecte la planification familiale. En d’autres termes, les femmes et autres géniteurs sont découragés d’accéder aux contraceptifs parce que leur activité sexuelle hors mariage n’est pas considérée comme acceptable par les prestataires de soins.
La moralité des rapports sexuels fréquents limite également l’accès des personnes à la pilule contraceptive d’urgence. Les pilules contraceptives d’urgence sont très différentes des contraceptifs ordinaires. Alors que les contraceptifs réguliers sont utilisés pour planifier les naissances ou pratiquer le sexe sans risque, les pilules contraceptives d’urgence ou « pilules du lendemain », comme on les appelle familièrement, sont utilisées pour éviter les grossesses non désirées.
Il existe de nombreux cas documentés en Inde où les pharmacies locales ont refusé l’accès aux pilules contraceptives d’urgence. Jugeant et ridiculisant souvent les célibataires qui s’adonnent au sexe, les pharmacies ont également pris l’habitude de faire la police morale sur les actions des jeunes, en demandant des ordonnances pour une pilule en vente libre ou même en leur suggérant de ne pas s’adonner à des activités sexuelles.
D’autre part, de nombreuses personnes choisissent d’utiliser la pilule contraceptive d’urgence comme méthode de contraception régulière, soit parce que leur médecin leur refuse l’accès aux contraceptifs, soit parce qu’elles ont trop honte pour en demander.
Pour conclure, l’acceptabilité et l’accessibilité de la contraception proviennent de divers moyens, le plus important étant le fondement moral de la sexualité. Nous vivons dans le déni si nous établissons un lien direct entre le mariage et l’éducation des enfants, et entre l’éducation des enfants et un mariage sain et heureux. Nous pourrions penser que nos prestataires de soins de santé sont mieux informés. Mais nous vivons dans une société où donner naissance à un enfant est considéré comme le but ultime de la vie. Pour nous en détacher, nous devrons entamer des discussions à ce sujet et élever une génération sensibilisée et consciente.
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À propos de l’auteur : Nayonika est une jeune femme au franc-parler qui travaille actuellement dans l’entrepreneuriat social. Passionnée par la justice sociale, l’égalité des sexes et l’autonomisation des petites filles, Nayonika collabore avec diverses organisations pour développer sa vision. Elle est une lectrice avide, une connaisseuse de l’art et une danseuse classique accomplie. Chercheuse féministe dans l’âme, elle s’est donné pour mission de découvrir les histoires des personnes marginalisées au niveau local.