Les violences conjugales dans nos sociétés sont très récurrentes et font souffrir bon nombre d’individus. Cependant, ceux-ci ignorent parfois qu’ils sont des victimes et ne pensent donc pas à chercher de l’aide. Lisons l’histoire de Assita qui illustre le cercle vicieux des violences conjugales, un cercle duquel sortir semble impossible.
“Zaksooba* vient de m’offrir encore deux beaux pagnes perlés et des bijoux en or. Je les porterai la semaine prochaine pour aller au marché. Toutes les femmes me diront Assita quel beau pagne! Assita tu es magnifique! Assita tu brilles! Assita tu es vraiment épanouie! Je leur lancerai des remerciements et des sourires furtifs fuyant leurs regards pour qu’elles ne perçoivent pas le mal intérieur que je vis. La semaine d’avant Zaksooba m’avait copieusement battue pour une raison que j’ignore toujours après m’avoir traiter de tous les noms d’oiseaux et me disant combien j’étais une femme inutile, incapable et sans valeur. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait. Oui il y’ avait eu une première fois.
La première fois qu’il était violent
C’était il y a 5 ans. Je m’en souviens comme si c’était hier. Ce jour là, il était rentré du service et m’avait trouvée encore à la cuisine. C’était mon premier jour de travail et je n’avais pas pu finir la cuisine avant son arrivée. C’est alors que sur un ton menaçant il dit : “dans les cinq minutes qui suivent je veux voir mon repas sur la table” et s’en alla.
Évidemment il revint et trouva une table toujours vide car le repas n’était pas prêt. Il me rejoignit dans la cuisine et me roua de violents coups. J’avais pleuré et vite essuyé mes larmes quand les enfants sont venus à la cuisine. Ce soir-là, mon mari est ressorti et n’est rentré que le lendemain matin afin de s’apprêter pour aller travailler. Il ne m’avait adressé aucun mot. Moi de mon côté j’avais passé toute la nuit à me demander si je pourrais allier vie professionelle et vie de femme au foyer. Je pensais à rendre ma démission afin de me concentrer sur ma vie familiale. Et c’est ce que je fis finalement.
La lune de miel
La semaine d’après, mon mari m’avait acheté une nouvelle voiture. Il ne m’avait pas explicitement dit qu’il le faisait pour se faire pardonner mais c’était ce qui se laissait entrevoir nettement. J’étais heureuse, je me disais que j’avais fait le bon choix d’abandonner mon travail pour me consacrer à ma famille. Aussi je me disais que mon mari regrettait profondément son acte et que cela ne se reproduirait plus. Il était devenu très attentionné et réceptif à mes demandes.
Je n’hésitais pas à conseiller mes amies à être plus focalisées sur le vie de femme au foyer pour entretenir des foyers en paix et conviviaux parce que je pensais détenir le secret du bonheur familial.
Elles m’enviaient toutes et venaient très souvent me confier leurs problèmes de vie conjugale auxquels je ne trouvais nulle autre solution que de leur dire de se soumettre à leurs maris et de répondre correctement aux désirs de ceux-ci. J’étais loin de me douter que la bastonnade que j’avais reçu quelques semaines auparavant ne serait pas la dernière.
La deuxième, la troisième, la nième fois
Très vite, cela était devenu une habitude pour mon mari de porter la main sur moi ou d’avoir des propos humiliants à mon égard. Oui il en a eu une deuxième, une troisième et une nième fois. A chaque fois j’en souffrais énormément mais je justifiais moi même ses égards de comportements en reconnaissant que j’aurais dû mieux faire ceci ou mieux me comporter par rapport à cela. Et puis il ne manquait jamais de me faire quelques petits cadeaux ou gestes d’attention pour me montrer combien il était désolé. Cela me rassurait et me donnait de l’espoir quant à son désir de voir fonctionner correctement notre couple. Je n’avais pas pris conscience de la routine dans laquelle je naviguais. Au fond, j’en souffrais énormément.
Partir n’est pas une option
J’ai évidemment pensé à partir, mais je n’avais ni le courage ni les moyens. Je me demandais ce qu’allaient penser ces femmes que je conseillais à longueur de journée à être des épouses exemplaires et vivre une belle vie familiale. Et les enfants, qu’allaient ils devenir? Il y avait aussi ma mère à qui j’avais soufflé l’idée de partir une fois et qui a immédiatement rétorqué que si j’avais envie de la couvrir de honte et d’opprobre je pouvais le faire; le message était clair : partir n’est pas une option.”
Et pourtant il faut recourir à de l’aide lorsque l’on souffre des actes de violence d’un partenaire peu importe leurs formes. Ces actes de violences peuvent être physiques, verbales, psychologiques, économiques, sexuelles ou administratives. L’aide et le soutien doivent se chercher essentiellement auprès de personnes compétentes ou des organismes œuvrant dans le domaine des droits humains.
*Zaksooba: chef de famille en langue moré.
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À propos de l’auteur: Sirina Sompingda Ouedraogo est une féministe, passionnéepar la santé sexuelle et reproductive. Elle est étudiante en médecine basée à Ouagadougou, au Burkina Faso
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